Débat : Comment finir un spectacle ?

Comment se dire au revoir?

Sont présents :

Omar Meza, chorégraphe et metteur en scène de « Tondo Redondo » (Cie DA-TE DANZA-Espagne)

Katrina Brown, chorégraphe et danseuse, et Han Buhrs, chanteur, et interprètes de “Ets Beets” (Pays-Bas)

Nathalie Cornille, chorégraphe et interprète et plasticienne de « Matin calme » (Cie Nathalie Cornille-France)

Carlos Laredo, metteur en scène de « La géométrie des rêves » (Cie La Casa Incierta-Espagne)

Francesca Sorgato, auteure et interprète de « Plein de (petits) riens » (Cie Lili Désastres-France)
Alessandro Libertino, metteur en scène « Ba Ba » (Cie Piccoli Principi-Italie)

De façon unanime, les artistes des compagnies éprouvent le désir de prolonger la rencontre artistique avec les enfants. Forte et magique, elle doit se conclure sans ternir la qualité de l’échange. La fin, ressentie comme une séparation douloureuse, fait en même temps partie du processus.

Elle induit un nouvel apprentissage, qui ne se conceptualise pas. Artistes et enfants apprennent à partir, riche d’un nouveau bagage qu’ils portent, hors du théâtre, dans la tête et le cœur.

Plusieurs questions sont évoquées :

Doit-on ouvrir aux enfants l’espace de représentation ?

Doit-il garder son mystère ?

Les comédiens doivent-ils lever le voile, apparaître comme de vraies personnes ?

Comment peut-on jouer les prolongations?

Comment se remercier, applaudir ou trouver d’autres expressions moins codifiées ?

Aucune règle évidemment n’est établie.

Tour de table :

Une fin qui se fond au commencement

Katrina Brown et Han Buhrs « Ets Beest »:

« C’est un spectacle de danse et de peinture, fondé sur l’improvisation et le désir de laisser des traces et une confirmation des mouvements.

Un musicien et une danseuse dialoguent, les sons et les gestes se répondent.

A l’aide d’un fusain, elle dessine ses passages. Une combinaison graphique, mêlée à la composition musicale, se créé, au sol, sur une grande feuille blanche.

Ce spectacle, qui se construit au « feeling », gomme la frontière entre acteur et spectateur.

Le public n’entre en scène qu’à la fin du spectacle, mais en réalité, sans véritable consigne, il dépasse la frontière très vite. La fin se fond au commencement.

C’est une création collective qui s’achève comme la fin d’une récréation.

Il est l’heure de partir. »

Un temps de regard final où les actrices deviennent de vraies personnes

Omar Meza « Tondo Redondo »:

« La danse m’a donné la voie et la forme. « Tondo redondo » répond aux besoins que j’ai eus comme enfant : l’amour, la tendresse, le désir de naître, c’est ce que j’ai voulu transmettre.

La question de terminer reste encore ouverte. Au départ, j’invitais les enfants à toucher les objets du spectacle, ils détruisaient tout. J’ai abandonné cette idée pour leur laisser juste un temps de regard sur les objets pour qu’ils puissent s’en faire une image mentale, une espèce de tableau. Il est nécessaire de ne pas rompre avec l’atmosphère du spectacle. Les danseuses sont présentes, les enfants les regardent autrement, comme de vraies personnes, avec respect. »

Une fin en forme de cadeau

Nathalie Cornille « Mâtin calme » :

« C’est un solo de danse avec des partenaires qui sont des objets. Pour la deuxième partie du spectacle, j’emmène les enfants dans un « jardin secret», une installation plastique où ils peuvent refaire librement, sans aucune finalité pédagogique, leur propre spectacle. Cette fin obéit à un critère purement égoïste : je n’avais pas envie de rester seule, j’avais le désir irrépressible de le prolonger. J’avais envie aussi d’éviter l’épisode finale des questions convenues. »

Une fin qui laisse planer le mystère, susciter le désir

Alessandro Libertino « Ba Ba » :

« A la fin du spectacle, qui a la forme d’une rencontre extraordinaire avec une œuvre d’art contemporain, une espèce de gardien de musée vient cerner l’espace de représentation avec un grand ruban. Il signe l’interdiction de pénétrer. Le mystère est préservé, la compagnie laisse les enfants tourner autour de l’œuvre, devenue objet de désir, à dévorer seulement du regard. »

Une fin ouverte qui laisse résonner l’espace

Francesca Sorgato « Plein de (petits) riens » :

« Pas de fin pensée, c’est une traversée d’où je m’efface pour me fondre au public. Je désire laisser résonner l’espace sans aucune présence, laisser du temps au temps. J’ai apprécié, une fois, une forme nouvelle d’applaudissements : les enfants tapaient sur le sol doucement, un acte créatif qui m’a plu. »

Une fin ouverte aux confidences

Carlos Laredo « La géométrie des rêves » :

« La comédienne reste à sa place pendant que les enfants partent, c’est un temps en suspension, ouvert à tous les désirs. Certains rejoignent la comédienne pour établir avec elle, une relation privilégiée, très forte, souvent muette, fondée sur un profond échange de regards. C’est un moment bouleversant. »