Laurent Dupont

Laurent Dupont

Comédien et metteur en scène

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Diplômé Es Lettres à l’Université Paris Sorbonne, il poursuit sa formation de danseur auprès de Dominique Dupuis et de chanteur avec Iva Barthélemy à Paris et le Roy Hart. En 1980 il est cofondateur avec une plasticienne Pierangela Allegro et un musicien/artiste vidéaste Michel Sambin du TAM Teatromusica, une des 25 compagnies de théâtre expérimental subventionnées par le Ministère Italien de la Culture.

Il devient le directeur artistique d’ACTA en 2014

Dernières créations :

« Sons… Jardins Secrets » et « A vos saveurs » : deux créations  sonores et visuelles, construites comme un diptyque. Dans la période délicate que nous traversons le spectacle vivant s’affirme plus que jamais comme un moment privilégié pour un partage d’émotions, pour la défense du droit de chacun – et de l’enfant en particulier, à l’imagination et à la poésie… et au plaisir. Ce diptyque interpellera deux formes où sont interrogées deux modalités de partage avec les « paysages » de notre quotidien, deux parcours de rêverie autour d’expériences sensorielles, de rapport à l’espace et à l’autre, ancrés dans des plaisirs d’échanges ou de jeux, mais aussi de souvenirs – ceux évoqués par le jardin et le repas – deux lieux de « partages » par excellence, archétypes de la vie qui traversent chaque culture.

« Sons… Jardins Secrets » – Mars 2017 – Création de Laurent Dupont. Un spectacle sonore et visuel, pour tout public à partir de 4 ans. Soutien spécifique pour le projet d’action culturelle sur le territoire : la DRAC-Ile-de-France-SDAT, la Fondation des Aéroports de Paris, Le Commissariat général à l’Egalité des territoires GET, la Ville de Villiers-le-Bel. Soutien à la création Très-tôt-Théâtre-Quimper. Coproduction : Ville de Villiers-le-Bel, La Briqueterie-MLC de Montmorency. Aide à la création de la SPEDIDAM.

« A vos saveurs » – Février 2019 – Création de Laurent Dupont en collaboration avec le compositeur Karl Naegelen. Un Opéra Bouffe : une mise en appétit visuelle et sonore.

­« Là… Pas là ! » – Novembre 2020 – Poésie sonore et visuelle – Danse et arts plastiques. Un jeu de présence et d’absence, dans ce délicat “entre-deux” où, pour suppléer au manque, l’adulte et l’enfant inventent des jeux à travers lesquels ils découvrent la nécessité de se séparer pour mieux se retrouver : “Je sais que tu es là … même si je ne te vois pas…”

Créations antérieures :

« Dans les yeux des autres » – Janvier 2016 Création de Laurent Dupont inspirée du mythe d’Antigone pour le tout public à partir de 12 ans. Création Danse, Voix et Musique. Dans la continuité de l’ouverture lancée en direction des adolescents avec le spectacle  En Corps (E)crits, Laurent Dupont continue son défrichage envers ce public si spécifique. Coproduction Ville de Villiers-le-Bel, soutien de la SPEDIDAM. Projet accompagné par l’ADDA 82 en lien avec le collège Jean Jaurès de Montauban.

« L’avoir ! »  Ode chantée au savon – Novembre-décembre 2014 – Un spectacle de Laurent Dupont. Création musicale et visuelle pour les tout-petits et ceux qui les accompagnent… Coproduction Nova Villa – Festival Méli’Môme – Projet accompagné par le Conseil Général de Seine Saint-Denis

« A CORPS ET A CRIS » – Un projet triennal 2011-2013Ce projet de Laurent Dupont avec la Cie ACTA s’inscrit dans une réflexion mettant en miroir deux « passages » fondamentaux pour la construction d’une personne : la petite enfance et l’adolescence.

« En corps (E)crits » – Novembre 2013 Un spectacle de Laurent Dupont – En collaboration artistique avec David Liver – Cie ACTA. A partir de 11 ans. Projet accompagné par la Scène conventionnée Jeunes publics Très-tôt-Théâtre (Quimper), le Centre Annantalo d’Helsinki (Finlande) et le Forum, scène conventionnée de Blanc-Mesnil.

« En corps » – Mars 2012 – Création de Laurent Dupont,  une production Cie ACTA – Pour tout public à partir de 4 ans. Ce spectacle connait une tournée conséquente en France et à l’étranger. Avec l’aide à la création de la Communauté de Communes Sud Pays Basque.

« Moi Seul » – 2009 – Création de Laurent Dupont en collaboration avec Agnès Desfosses – coproduction avec la Compagnie Acta, les Villes de Villiers-le-Bel et de Saint Julien en Genevois, projet accompagné par la Communauté de Communes du Pays de Questembert et par l’ADDAV 56. Ce spectacle connaît une belle tournée en France et à l’étranger et atteint environ 400 représentations en 2012.

« Spiel der Kräfte » (Jeux de Forces)  – 2009 – en coproduction avec Helios Theater et le TJP de Strasbourg.

« Plis/Sons » (Mars 2005) Glittebird Culture 2000, « Pierre au Bois de Terre » (2006) First Steps Festival-Helios Theater-DE,  « Du Bout des Bois » (2007) avec l’aide à la création du Conseil Général 78, « Pas Sages » (2008) avec la Cie de l’Ecoutoir – coproduction Scène Nationale de Montbéliard. Ces quatre créations de Laurent Dupont ont été coproduites par l’Association Amalys.

A partir de 1989 il écrit et met en scène des pièces de théâtre musical privilégiant dans son écriture scénique la composition visuelle et sonore autour de la voix qui ont fait l’objet de coproductions avec l’Allemagne, l’Australie, la Finlande, la France et l’Italie.

Parmi ces créations nous rappellerons «, « Le Banquet de la Mandibule » Frac Théâtre, « Koïra Veikon »,     Annantalo Center Helsinki, « Piccoli Misteri » Teatro Kismet Italie.

Parmi les nombreuses créations du TAM auxquelles il a participé comme auteur/acteur nous rappellerons :  « Répertoire » (1981) du compositeur Mauricio Kagel, « Children’s Corner » (1989) d’après Claude Debussy, en coproduction avec il Teatro Alla Scala de Milan, « Ages » (1999) de Bruno Maderna, en coproduction avec l’Istituto di Fonologia de Milan, présenté au Festival d’Automne de Paris.

Compagnonnage avec d’autres artistes / collaborations artistiques

La réalisation des spectacles de Laurent Dupont est très souvent précédée de résidences artistiques autour d’enjeux posés par des écritures scéniques. Ils s’articulent au travers de projets artistiques européens/internationaux ou en partenariat avec des lieux de création ou des villes. Ils sont l’occasion de collaborations avec des artistes.

Ils s’accompagnent de formations. Ils favorisent des rencontres avec des publics très diversifiés : petite enfance, adolescence, adultes.

En 2016, Laurent Dupont collabore au Projet « Ceci n’est pas un livre » de Karel Van Rasbeeck, Theater De Spiegel et « Ce qui nous vient de loin, c’est la curiosité pour le monde » de Kathy Deville, Théâtre de Cuisine.

Depuis 2014, Laurent Dupont est sollicité pour son expertise et son regard extérieur par des artistes qui créent pour la petite enfance ou le jeune public : La Compagnie Soleil sous la pluie avec Catherine Gendre (77), La Compagnie Charabia (44) avec Mathilde Lechat, l’Association 16 rue de Plaisance(35) avec Benoît Sicat, la Cie Lagunare (64) avec Kristof Hiriat.

Ces collaborations sont accompagnées de périodes d’accueil en résidence dans les locaux d’ACTA en Ile-de-France.

Depuis 2010 – Des collaborations artistiques s’étant développées entre Laurent Dupont et Agnès Desfosses, en 2010,  la Compagnie ACTA-Agnès Desfosses est ainsi renommée : Compagnie ACTA – Artistes associés : Agnès Desfosses, Laurent Dupont.

2009 – Il est en résidence artistique à Villiers-le-Bel avec la Cie ACTA-Agnès Desfosses pour la création de « Moi Seul ».

2009 – Il réalise « Spiel der Kräfte » avec la Cie Helios Theater de Hamm (DE) en production avec le TJP Strasbourg.

2005/2007 – Résidences artistiques en Finlande avec l’Annantalo Arts Center et les acteurs de l’Académie de Théâtre d’Helsinki « Koira Viekon ». Ateliers d’écriture avec l’Office culturel Sevran, Très tôt Théâtre de Quimper et Théâtre Paul Eluard de Choisy le Roi pour la réalisation de « Du Bout des Bois » avec l’aide à la création du Conseil Général 78 en coproduction avec l’Association Amalys / La ferme du Bel Ebat- Guyancourt.

Fin 2003/2005 – Il est directeur artistique d’un projet artistique « Clair /obscur » en partenariat avec la Ville de Chalon-sur-Saône et le projet européen « Glittebird » Culture 2000 : création de « Plis/Sons » mars 2005.

2002/2003 – Il est directeur artistique d’un projet théâtral « Broken Spaces » subventionné par Europe Culture 2000 et réalisé en collaboration avec TeatroKismet, Théâtre Athénor, Nottingham Play house(UK) et la Cie Parallelo d’Adélaïde en Australie : création tout public de « In the Time of Distance » a multimedia live performance Aout 2003 – Adelaïde Australie.

2003 – Résidence artistique à Rethel en coproduction avec le festival Mélimôme – Reims, la Région Champagne Ardennes et le TAM Teatromusica (Italie) : création de « Al di LA » – Reims – Avril 2003

Formation-enseignement-participation :

Il est au conseil d’administration Scène(s) d’enfance et d’ailleurs désormais Scène d’enfance – ASSITEJ France, Association des professionnel du spectacle vivant jeune public.

En 2009 il a fait partie du comité de pilotage d’une étude du  Ministère de la culture et de la communication/DMDTS et de  Scène(s) d’enfance et d’ailleurs, Association nationale de professionnels des arts de la scène en direction des jeunes publics, « Photographie d’une dynamique fragile – Etude sur les conditions de production et de diffusion des spectacles adressés au jeune public en France – Saisons 2006/2008 ».

Depuis 2008 il participe comme formateur à un cycle professionnel national organisé par La Scène Formations, notamment une formation sur le développement de projets jeune public.

En 2007 il dirige un stage sous forme de projet d’échanges de jeunes acteurs, avec le soutien de l’OFQJ (Office Franco-Québecois pour la jeunesse), en partenariat avec le festival Mélimôme – Reims – et le festival Petits Bonheurs – Montréal.

Dans les années 1990 il a enseigné la musique en scène au CFMI de la Faculté d’Orsay.

Une dimension européenne et internationale

Co-directeur des PREMIERES RENCONTRES « Art, petite enfance et spectacle vivant », biennale européenne en Val d’Oise et programmateur, il invite des intervenants internationaux du monde de la culture et de la petite enfance pour 2 jours de débats et de conférences dans le cadre du Forum.

A la demande du partenaire Allemand « ARMES THEATER », une version allemande du spectacle « Moi Seul » mis  en scène par Laurent Dupont est réalisée. En juillet 2011, a  lieu une  période de répétition/passation avec l’équipe artistique allemande dans le but de produire une version allemande « Ich Allein » de Moi Seul.  « Ich Allein » connait une tournée en Allemagne à partir de la fin août 2011.

Il participe au colloque / compte rendu : « Spectacles petite enfance? Une réalité européenne » (2009/2010) organisé dans le cadre de Scènes d’Europe, en lien et partenariat avec l’Onda, l’Orcca et Nova Villa, autour de la création européenne pour la petite enfance, animé par Cyrille Planson, rédacteur en chef du magazine La Scène.

Il réalise en 2009  « Spiel der Kräfte » avec la Cie Helios Theater de Hamm (DE) ; Il tourne le spectacle : « Pierre au Bois de Terre » en Grande Bretagne : novembre 2006 au Polka Theatre (partenaire de “Small size – the net”), mai 2007 : Sticky fingers Festival, à Newry, Irlande.

Il participe  à un projet  jeune public à  Birmingham (Article de presse de la BBC) (2005) et y a des contacts privilégiés : Peter Wynne-Willson – Birmingham School of Acting.

Il est le directeur artistique d’un projet artistique « Clair /obscur » (fin 2003-2005) en partenariat avec la Ville de Chalon-sur-Saône et le projet européen « Glittebird » Culture 2000 : création de « Plis/Sons », spectacle de Laurent Dupont en mars 2005.

Il est le directeur artistique en 2002/2003, d’un projet théâtral européen « Broken Spaces » subventionné par Europe Culture 2000 et réalisé en collaboration avec TeatroKismet, Théâtre Athénor, Nottingham Play house(UK) et la Cie Parallelo d’Adélaïde en Australie : création tout public de « In the Time of Distance » a multimedia live performance Aout 2003 – Adelaïde Australie.

Il organise des résidences artistiques en Finlande avec l’Annantalo Arts Center et les acteurs de l’Académie de Théâtre d’Helsinki- Finlande « Koira Viekon ».

Propos artistique

« Mon propos porte sur l’intime, sur la façon dont l’artiste est interrogé par la petite enfance et dont cette rencontre interroge ses savoir-faire.

Mon parcours artistique a pour origine la danse et de la voix, et je me suis très rapidement confronté à d’autres artistes, identifiant à l’intersection des différents langages constitutifs de notre recherche (arts plastiques, danse, théâtre, arts numériques, etc.) des principes fondamentaux les associant (élan, chute, poussée, suspension, silence), qu’il s’agisse d’un geste sonore, pictural ou vocal. Ma recherche s’est ainsi poursuivie à l’intersection de différents langages où le son, le geste et la matière ne décrivent pas des « états d’âme » mais cherchent à les provoquer au sein d’une synthèse, une composition qui mêle étroitement la musique au jeu, l’objet sonore au corps, le son à la parole poétique. Entre une rigueur esthétique et de brefs arcs narratifs, cette écriture scénique entend s’offrir à des lectures diversifiées, où l’interprétation reste ouverte à la sensibilité de chacun, où le spectateur est invité à devenir auteur de sa propre vision dans le respect de ses émotions.

Au cours des années 90, des professionnels de la culture éclairés et de vrais militants, des festivals précurseurs (Ricochets, Méli môme, Résonances) ont osé interroger des artistes sur la création pour les tout-petits, nous invitant sur les traces sensibles de cet imaginaire et les affirmant comme spectateurs à part entière. Cela a provoqué des tensions entre pourfendeurs et défenseurs de cet art et nous a permis de questionner nos savoir-faire : quel geste artistique serait suffisamment fort pour pouvoir entrouvrir le jardin de l’imaginaire des tout-petits pour les entraîner dans l’entre-deux de la rêverie : celle de la représentation?

Je me suis alors engagé avec eux dans une exploration vocale, pour interroger mon jeu et découvrir leurs capacités d’écoute. J’ai trouvé dans cette recherche des fondamentaux à l’usage des tout-petits la quête d’un langage autre, une communication différente, un champ d’expérimentation sans limites. J’ai surtout découvert ce partage entre l’adulte et le tout-petit, cette double adresse, interrogeant de nouvelles pistes dans ma recherche théâtrale et dans mes principes d’écriture.

Fort de cette rencontre, je me suis mis à l’écoute des aptitudes à communiquer du tout-petit, en deçà du langage, à travers ses expressions sonores -babils, gestuelles-  et leurs modulations. Je me suis laissé guider par mes intuitions, sans aucune certitude, dans le risque au présent. Je partage avec les tout-petits cette capacité à s’aventurer vers l’inconnu avec une peur extrême mêlée d’une grande curiosité. Je me suis mis également à l’écoute de cette « terre d’origine », lieu des émotions fondatrices de cet être en devenir. Ces forces qui déjà l’agitent sont au cœur de notre identité. Entre ma vision du monde et la perception du tout-petit s’est engagée une communication horizontale, d’être à être : un plaisir partagé, un plaisir esthétique : être en résonance. Par ses multiples intentions, se condense une expérience de vie où se conjuguent effleurer, émouvoir, atteindre…Là où les sensations se croisent, où se rencontrent une expérience intérieure et un regard externe. Là où l’artiste interroge le monde et où l’enfant le découvre… Un rendez-vous entre deux imaginaires.

C’est au travers des matières où s’ancrent mes émotions et à partir desquelles je modèle une écriture, que s’est ouverte une rencontre possible avec l’univers sensoriel et perceptif de l’enfant, matière tactile (sable, terre, papier tissu), matière sonore, vocale et phonique, l’ombre et la lumière. Dans l’espace encore vierge, ces actions engendrent un jeu de traces, une mise en jeu des sens, en écho avec ceux de l’enfant. Le tout-petit questionne le temps de la narration. Son attention et ses modes d’appréhension du monde sont à l’image des principes constitutifs de la trame de mes compositions : la variation, la répétition, l’amplitude des gestes et des sons, le rythme, la suspension, le silence : des principes de jeu en miroir avec ceux de l’enfant .

Le tout-petit questionne l’espace et les dispositifs scéniques, il bouscule les distances, il interpelle la proximité, il modifie les modes de jeu et la mise en résonance de l’interprète avec ce souffle si particulier de son écoute. Chaque création est une invitation pour une promenade dans les jardins secrets de mon émotion, une promenade pour tracer un cheminement possible dans cet ailleurs dont je suis le porteur d’images, au travers d’analogies et de métaphores, d’images teintées par la météorologie des relations, au cœur de la découverte de l’autre ou de sa perte.

Ainsi, au cours de mes séjours en crèche, j’ai été très impressionné par la séparation quotidienne du parent et de l’enfant, moment riche en émotions. Nous avons discuté, entre adultes, de ces rencontres, du « bonheur de », de « la peine de », de « la perte de ». Cela a marqué le début d’une récente création que j’ai partagée avec un danseur et une danseuse. Notre spectacle, intitulé «  Là Pas… Là !», parle  de la perte. La perte est terrifiante, mais il est toujours possible d’en sortir …Au milieu de la représentation, la salle est plongée dans le noir et les artistes attendent le plus longtemps possible, et rallument la lumière seulement quand ils n’en peuvent plus d’attendre. Quelque chose de très fort se crée ainsi  entre le public d’adultes et d’enfants et les interprètes. Dans cet entre-deux, ce qui est fondamental, c’est cette confiance, cette écoute, cette attente, qui nous permet d’aller plus loin dans l’émotion et de la partager.

À la fin du spectacle, lorsque le rideau se baisse, une rêverie s’installe comme une respiration nécessaire dans cet entre-deux à peine vécu avec l’instauration d’un silence très fort, celui de l’après : tout a été posé, tout a été offert, tout peut enfin se sédimenter. Une respiration nécessaire pour que les traces finissent leur impression. Une suspension, avant de laisser cet « ailleurs » à peine entrevu. C’est dans ces jeux de relations que se tisse une mémoire commune entre artistes et spectateurs, petits et grands, pour y découvrir l’autre et sa différence. C’est ce que nous essayons de leur offrir

Au fil des années, au travers de la codirection avec la metteure en scène Agnès Desfosses qui a créé la compagnie ACTA, et dans la poursuite de ses engagements culturels et artistiques, mes recherches inspirées de la petite enfance ont pu se développer grâce à des démarches expérimentales ancrées dans son territoire de résidence de Villiers-le-Bel.

Ces démarches à fort enjeu sociétal s’inscrivent dans la durée, pour la mise en place de pratiques et d’échanges. Ces processus d’expérimentation peuvent se réaliser grâce au soutien moral et financier des élus de Villiers-le-Bel et de nos tutelles (DRAC, CGET, Conseil général du Val d’Oise et Conseil Régional). Ces actions se réalisent dans des contextes de partenariats transversaux et de co-construction entre artistes, professionnels de la petite enfance, parents et enfants. Elles s’inscrivent dans le temps de la relation. Dans ce contexte d’échange à fleur de peau, chacun s’engage. Ces actions laissent s’épanouir des modes de communication privilégiant souvent l’émotion comme le trait d’union avec les langages. Elles constituent un véritable croisement d’idées et de sensations pour s’interroger, ensemble, sur la créativité de chacun – enfant, parent, artiste et professionnel. Elles nous permettent de se questionner sur la place de la petite enfance, la place de l’art dans les familles venant d’autres pays, sur leurs imaginaires culturels, dans un esprit d’ouverture, pour créer des passerelles entre la culture et l’art d’ici et de là-bas. Elles favorisent un esprit créatif, réinterrogeant à chaque fois la place occupée par les parents comme initiateurs culturels pour leurs enfants. C’est dans le dialogue, le partage et l’émotion que tout se passe. Ils déclenchent une attitude différente et un esprit d’ouverture, valorisant toutes les compétences et les pratiques. C’est ce qu’on appelle la rencontre. Ces actions culturelles ont cette faculté de permettre d’être en prise avec notre monde, de le connaître, de l’écouter, puis de le mettre en scène. Elles ont le merveilleux pouvoir d’être médiatrices, et deviennent un acte de connaissance et de reconnaissance, la rencontre d’une altérité qui ouvre le champ de l’autre. L’art devient un levier pour faciliter la cohabitation et la rencontre des nombreuses communautés dans un espace de relations en pleine mutation. Dans cette perspective, le développement de ces actions artistiques est essentiel pour cultiver le lien social.

La création de la biennale européenne « Les Premières Rencontres », en 2002, a constitué le prolongement naturel de cette démarche de partage. Nous proposons durant trois à quatre semaines, un programme de spectacles français et internationaux, dans plusieurs lieux de Villiers le Bel, et dans une quinzaine de municipalités partenaires aux alentours. Les deux jours du Forum international, qui réunissent artistes, chercheurs, professionnels de la petite enfance, constituent désormais un rendez-vous mondial des professionnels de la petite enfance, en même temps qu’un repère culturel à l’échelle de la région.

Tous ces échanges et ces rencontres ont permis de réinterroger mes écritures. Ils permettent que l’art soit réaffirmé dans ses différentes formes d’expression et qu’il soit cultivé depuis la plus tendre enfance, pour limiter l’insuffisance de projets éducatifs fondés sur des parcours rationnels, au travers desquels les enfants intériorisent le monde. Ces terribles questions, les tout-petits les énoncent au travers de leur regard et de leur curiosité du monde, avec une force d’esprit qui ne peut que nous donner le vertige. Notre urgence est de se les poser, de la manière la plus sérieuse possible, au travers d’une pensée fragile, souple, visionnaire, risquée, sans avoir l’arrogance de pouvoir leur donner une réponse, mais simplement de tenter de leur donner un lieu d’existence dans notre vie quotidienne. »

Laurent DUPONT
Directeur artistique et metteur en scène – Compagnie ACTA