Un bilan, par Agnès Desfosses

En chiffre :

13 communes du Val d’Oise, une programmation de 11 spectacles européens, 140 représentations, plus d’une centaine de personnes de tous univers confondus présentes à un Forum de deux jours à Villiers-le-Bel (programmateurs de festival européen ou international, maires de ville du département, simples habitants, directeurs de crèche, éducateurs, artistes, assistantes maternelles…), et une multitude d’enfants.

D’une échelle locale à une échelle européenne, de projets confidentiels d’actions éducatives à la présentation de projet de dimension nationale (en Allemagne), la Biennale a témoigné de l’essor et de la dynamique du secteur culturel et artistique destiné aux tout-petits.

La question de la légitimité des spectacles destinés à la petite enfance ne s’est pas posé.

Artistes, éducateurs, puéricultrices, programmateurs, pédagogues et politiques ont partagé, chacun avec leurs mots, les mêmes convictions.

Dans le désordre :

« C’est une nécessité de partage, un désir évident, une réconciliation avec soi, une rencontre qui bouleverse profondément le rapport adulte/enfant, une stimulation pour la vie, la création d’un temps suspendu où émerge la pensée, une invitation à une écoute plus pleine du monde… »

Une douce euphorie a gagné le cœur et l’esprit de tous les participants.

« Nous construisons un monde meilleur ! » s’est écrié en fin de débat Omar Meza, chorégraphe espagnol de « Tondo Redondo ».

Le domaine de la création artistique dédiée de la petite enfance connaît une évolution et un renouvellement constant. Il ne répond à aucun modèle, ne peut faire l’objet d’aucune évaluation de ses bienfaits. C’est le lieu où questionnement et incertitude, changement et innovation sont les bienvenus.

Si, depuis sept années d’existence, la ville de Villiers-le-Bel est de plus en plus attentive et participative, la vigilance est de rigueur, le secteur est fragile et c’est, avec une militance toujours ferme, qu’Agnès Desfosses, metteur en scène et programmatrice de cette biennale désire poursuivre son rôle d’ambassadeur d’une culture, en marge d’un mode de vie contemporain singulièrement aliénant.

Le rapport du collectif à l’individuel

Comment vivez-vous la double casquette de metteur en scène et de programmatrice ?

Quand les rencontres ont été créées, il y a 7 ans, je ne savais pas comment j’allais réussir à concilier la programmation du festival, sa direction et ma propre recherche artistique. Je ne voulais pas me servir des rencontres pour diffuser mes créations, mais je savais qu’elles allaient nourrir mon travail. Cette année, j’ai accompagné dans les classes la délégation allemande, qui voulait monter un projet culturel sur deux écoles maternelles. N’étant pas impliquée directement, je me suis placée en tant qu’observatrice des enfants, des éducateurs, des membres de la délégation. Cela faisait longtemps que je n’étais pas entrée en immersion dans un projet collectif, qui n’était pas le mien. Ce temps-là, libre en somme, a stimulé mon imagination. Il m’a permis d’établir la distance nécessaire entre mon désir de création et un contexte bien plus large. J’ai compris quelque chose du rapport du collectif à l’individuel. La force des « Rencontres » réside dans ce rapport là de dialogue et d’échange entre des individus différents, liés par un même point de vue éducatif et culturel. C’est l’idée même de la démocratie qui surgit ici. Les potentialités de chacun, y compris les miennes, se développent et s’enrichissent à travers un rapport fécond à l’autre, à l’environnement, à la société dans laquelle l’enfant naît et grandit.

Une prise de risque fondamentale

Quelles sont vos exigences de programmation ?

Elle n’est pas neutre. Elle doit être représentative d’une famille d’artistes, rayonnant dans des pays aussi différents que l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas ou la France. Quatre créations, dont « Plein de (petits) riens », de la Compagnie Lili Désastres, commandée par ACTA, et financée par le département du Val d’Oise ont été présentées. Je savais, intuitivement et sans aucune angoisse, que quelque chose de nouveau allait émerger. La prise de risque dans ce domaine artistique est fondamentale. Notre vocation de toucher le public, de faire événement, de réussir à projeter le spectateur hors de lui, de faire surgir « de petites fleurs ». Mais nous recherchons aussi quelque chose qui « s’expérience » aujourd’hui, une nouvelle façon d’être sur scène, une qualité de présence qui intensifie la relation de l’adulte à l’enfant. « Les Rencontres » sont le fruit d’une alchimie mystérieuse, il est impossible de commander le lieu où vont naître les idées.

Dans le cadre de la biennale, quelles sont les difficultés que doivent surmonter les compagnies ?

Les déménagements sont incessants d’un lieu à l’autre. Il faut monter, démonter, s’adapter à des lieux qui ne sont forcément destinés au théâtre. Les compagnies font un travail militant. Elles doivent faire preuve d’une grande inventivité, être en mesure de modifier leur dispositif artistique au pied levé. Face à ces problèmes, elles réfléchissent de plus en plus à des créations de structures qui leur permettent une permanence d’accueil.

Une immersion des artistes dans les structures d’accueil européennes

Quels projets se dessinent pour l’édition de 2010?

Beaucoup d’idées s’amorcent pour 2010. Sans en révéler précisément la teneur, mon projet en pleine gestation repose sur des partenariats entre des villes européennes différentes. Des artistes de plusieurs pays vont poursuivre leur travail d’immersion dans les structures de la petite enfance, crèche, école maternelle ou « kindergarten » pour voir dans quel contexte s’épanouissent la créativité et les apprentissages des tout-petits. Chacun va aller regarder ce qui se passe chez l’autre. De ces croisements de regards vont naître de nouvelles formes d’écriture, destinées à un public très large. Le point de départ de ce projet vient de ma rencontre grâce au festival lui-même avec Lucette Salibur, auteure et directrice artistique de la Compagnie des Flamboyants de Fort de France ( Martinique), elle-même invitée par Mireille Matime du service culturel de Fort-de-France qui a elle aussi un projet de Festival pour la petite enfance outre-atlantique…

Propos recueillis pas Dominique Duthuit