L’intérêt que Myrto Dimitriadou porte aux spectacles destinés au très jeune public n’est pas neuf. Dès la fondation du Toihaus Theater de Salzbourg, il y a vingt ans, ce lieu de création dont elle est l’actuelle directrice s’ouvrait à tous les publics. Très tôt, des spectacles destinés aux moins de quatre ans sont venus s’ajouter à la programmation saisonnière « pour adultes », ordonnée chaque année autour d’un thème (cette année, c’est Shakespeare qui tient la vedette). Et s’il n’y pas encore eu, jusqu’à présent, de programme spécifique pour ce que l’on appelle la toute petite enfance, Myrto Dimitriadou n’en pense pas moins que la création pour cette tranche d’âge constitue un terrain propice à l’exploration de nouvelles formes et de nouvelles émotions. Quel que soit l’âge du spectateur, elle promeut un théâtre de la proximité et de l’échange, du « ressentir ensemble ». Les ateliers de danse et de musique pour les enfants, tout comme les stages organisés au Toihaus Theater autour de la programmation thématique annuelle, témoignent de cette détermination à briser la glace entre les artistes et leur public, à tisser des liens, à favoriser l’échange dans et autour de la création, afin d’éveiller le spectateur à sa propre créativité. Une notion de convivialité que l’on retrouve indéniablement dans le spectacle « Sous la table », dont l’adaptation autrichienne, présentée aux Rencontres européennes, consacre le compagnonnage établi de longue date avec la compagnie Acta et Agnès Desfosses, créatrice de la version originale.
Comparant la scène autrichienne à celles d’autres pays européens, Myrto Dimitraidou en déplore l’indigence concernant la création destinée aux touts petits. Très peu de compagnies travaillent dans cette voie et ce théâtre est traditionnellement envisagé comme devant servir une « utilité » pédagogique, subordonnée au cadre et aux conventions de l’institution scolaire. Les structures éducatives, au-delà des réformes pédagogiques, ne semblent pas encore prêtes à faire entrer le théâtre vivant à l’école. Si le Toihaus favorise les rencontres avec les pédagogues et organise des ateliers avec des assistantes maternelles, ces interventions sont réalisées sur un mode informel, à la marge des institutions. Les spectacles pour l’enfance commencent tout juste à s’ouvrir aux autres formes d’expression artistique, à enrichir leur palette pour s’aventurer hors des sentiers battus. Est-ce l’indice d’une reconnaissance croissante de la capacité de l’enfant à « saisir » et apprécier des créations plus variées et plus riches, des transports imaginaires parfois déroutants ? Myrto Dimitriadou lit ces signes de changement avec un optimisme de bon aloi. Les choses vont dans le bon sens, lui semble-t-il.
Pour Myrto Dimitriadou, ces « Premières rencontres européennes de la petite enfance » offrent l’occasion salutaire d’entrer en contact avec des personnes fortes d’idées et d’expériences. Elle n’est pas venue dans le Val d’Oise pour imposer un point de vue, loin s’en faut, mais pour écouter, débattre, partager son lot d’expériences avec tou ceux que ces créations concernent. Les meilleurs idées sont celles qui naissent du dialogue. Pas à pas, dit-elle, le spectacle vivant pour le jeune public se développe, comme une rose. Son éclosion est fragile, et il faut continuer d’y accorder un grand soin, à une époque où il est plus que jamais nécessaire de donner très tôt aux enfants le sentiment que le théâtre en particulier et l’art en général sont un luxe nécessaire. Ces rencontres européennes ne peuvent que contribuer à nous faire avancer dans cette direction.
Pour en savoir plus : www.toihaus.at
Recueilli par Jason Germain